Jeudi 19 mars. 15h 30mn. Nous sommes à Abidjan-Riviéra-Palmeraie, un des quartiers huppés de la Côte d’ Ivoire. Dans l’enceinte de l’école de danse et d’échange culturel (Edec). Une structure créée sur fond propre par l’artiste-chorégraphe Marie-Rose Guiraud, originaire de man dans la région du Guémon.
La rencontre avec la fondatrice des locaux est prévue pour 16h mais le responsable administratif de l’Edec a insisté pour que l’équipe rédactionnelle soit là 30mn avant. Dans un box qui lui sert de bureau à l’intérieur du bâtiment administratif, Marie Rose Guiraud-Emmetto accepte avec un large sourire de se confier à la presse.
Le rythme une thérapie pour l’artiste
Tout commence à l’âge de quatre ans. A cette époque, la créatrice des « Guirivoires » confrontée à des problèmes de santé est orientée par les sages Wê, vers la danse. Une décision que son père Ziahé Sengo, une tête couronnée de lignée noble, accepte malgré lui. En effet, dans la tradition de l’artiste-chorégraphe, la noblesse ne peut être destinée à la danse. Mais les anciens de son village sont formels. Seul le rythme peut guérir Marie Rose Guiraud.
C’est ainsi que la petite princesse « mannoise », qui était sujette aux railleries des villageois, va se familiariser au rythme. À travers son agilité dans la danse, elle va s’imposer et susciter l’admiration de tous. Mieux, cela va non seulement lui permettre d’être acceptée dans une société qui la marginalisait, mais la danseuse va guérir de la paralysie à laquelle était vouée, son physique. « Grâce aux mouvements de contorsions, la danse m’a permis de redresser mon corps afin d’obtenir la morphologie uniforme qui est désormais la mienne ». Le rythme devenu une thérapie pour la fille de Sengo, va faire partie intégrante de son quotidien. Si bien qu’après ses études, elle sera rattrapée par le rythme.
Le rythme dans le sang
En effet, celle qui deviendra plus tard Mme Emmetto MC Donald était secrétaire dans l’armée française, lorsque ses employeurs ont détecté ses talents de danseuse. Ils l’ont alors encouragée à faire carrière dans ce domaine. Toutefois, pour atteindre cet objectif, elle est obligée de se faire passer pour l’épouse d’un Guinéen afin d’avoir les papiers nécessaires pour le voyage en France. Une fois sur place, elle décroche son diplôme d’art dramatique au conservatoire de lièges.
Cependant, Marie Rose Guiraud, reconnait avoir eu la chance d’être encadrée par les sages Wê de chez elle. « Si je n’avais pas été suivie avec sagesse, je n’aurais pas pu être à ce niveau. Car j’étais un petit messager méconnu et il a fallu les sages pour m’aider à me réaliser». D’où son amour très poussé pour sa tradition. Elle y est ancrée au point de vouloir la pérenniser. Mieux, elle entend jouer sa partition pour sauvegarder la culture ivoirienne en générale. Ce qui la conduit à la création de « Edec », qui est certes une école de danse, mais avant tout une fondation. Aussi, accueille-t-elle dans cette structure, des déshérités, des enfants de la rue ainsi que des orphelins. Ce, à travers un programme philanthropique.
Partager l’art pour qu’il y ait une harmonie
Ses pensionnaires reçoivent ainsi ses acquis grâce à un enseignement diversifié. Le chant, la danse, la couture, l’art culinaire et le théâtre. Pour Marie Rose Guiraud dont le travail a été couronné par plusieurs lauriers et la reconnaissance de l’Etat de Côte d’Ivoire,il est vital de transmettre ses acquis culturels. « Je considère l’art comme un grand amour que nous avons en nous et que nous devons obligatoirement partager avec autrui pour qu’il y ait une harmonie ».
C’est donc obnubilée par cet amour qu’elle aide les nécessiteux. « Il y a de nombreux enfants qui sont des sans-abris. Et si on ne les suit pas ils ne pourront jamais s’assumer ». À ce titre, plusieurs de ses ex-pensionnaires ont pu se frayer un chemin depuis 1973, date de création de l’Edec. Il s’agit entre autres de Hugues Anoï, Guei Thomas et Séhi Fulbert, des artistes qui poursuivent son œuvre en France.
Angeline Djérabé
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