La région du Gôh a perdu un de ses fils le journaliste et écrivain AZO Vauguy. Natif de Siégouekou dans la commune d’Ouragahio l’homme était effacé.
Ci-dessous les témoignages recueillis sur le poète émérite, arraché à l’affection des siens.
L’homme Azo Vauguy est fils unique de sa mère. Enfant du monde rural, il a passé sa vie printanière dans les effluves et l’espace des rizières. C’est certainement là qu’est né son sens de la contemplation et son goût de la poésie. Au cœur du tumulte de la capitale, où l’a parachuté son aventure intellectuelle, il est resté humble, loin des postures ostentatoires. Démarche tranquille. Voix posée voire apaisante.
Il est pourtant un repère, une personne ressource dont l’avis en matière de littérature compte dans notre pays. Atypique dans son « rendu » comportemental, il a toujours étonné ses proches par sa façon toute particulière d’appréhender la vie. Combien de fois, l’avions-nous vu en costume ? Qui se souvient l’avoir vu porter une cravate ? Décomplexé, Azo, a transcendé les considérations construites sur l’apparence. Son malaise face à la cravate est devenu proverbial : « Mon cher disciple, avoue-t-il à l’écrivain Irié Benjamin, je n’ai jamais porté de costume. Aussi, la cravate m étouffe. Quand je la porte, je n’arrive pas à avaler ma salive ». Et c’est ce côté « marginal » justement qui fascine. Azo donne l’impression de vivre dans un autre monde, hors ou au-dessus de la multitude empêtrée dans les luttes matérialistes. Son univers ce sont les idées, les livres et l’écriture rebutant ainsi tous ceux qui sont pris au piège des convoitises et de l’avidité.
Bien que grave et sérieux, il ne manque pas d’humour quand il le faut. Ecoutons Josué Guébo le raconter : « Azo et moi étions confrères. Lui membre de la rédaction culturelle du Journal Notre Voie et moi stagiaire au quotidien Frat-mat. A ce titre, nous nous rencontrions très souvent, sur des lieux de reportage. En 2004, nous sommes retrouvés à une foire organisée par des tradipraticiens. Ces spécialistes de la médecine par les plantes vendaient toutes sortes de remèdes. Azo me prit par le bras et me conduisit, net vers un étal où étaient exposés des aphrodisiaques, me disant « voici au moins un remède qui a de l’intérêt ». Il demanda alors, sans sourciller, à goûter les produits du commerçant. Le tradipraticien lui servit une poudre, qu’il ingurgita sous nos yeux ! Quelques minutes plus tard, il affirma ressentir les effets du produit. Il se mit dès lors à taquiner tous les autres confrères et se mua du coup en commercial du tradipraticien. Azo, le poète venait ainsi à se révéler à mes yeux comme un personnage, plus qu’atypique, détendu et profondément accessible. Et plein d’humour ».
Azo Vauguy est un homme spécial et une plume spéciale.
Sollicité pour nous livrer son témoignage, le poète Henri Nkoumo laisse entendre : « C’est toujours avec beaucoup d’émotion que je parle d’Azo Vauguy, mon ami, mon compagnon de route qui, de façon forte, dit et vit son rapport singulier à la poésie ; je veux dire, à la vie tout court.
D’aucuns pensent, en le voyant promener son pas lent et sa démarche quelque peu paresseuse, qu’il est l’expression aboutie de l’inertie. Que non : ils se trompent ! Azo est avant tout l’un des symboles de la non-violence, de la violence castrée, évidée, vouée aux gémonies. Azo est un être qui célèbre la vie calme, apaisée, celle qu’on caresse et célèbre avec les mots les plus doux. Il va le monde au rythme lent de la vie, pour reprendre le beau titre de l’admirable romancier Ibrahima Sy Savané. Nulle part en lui ne s’affirme cette masse de muscles faite pour bousculer, pour détruire, pour faire mal. Sa voix est toute de douceur, d’amour ; ce qui n’est pas fait pour plaire aux porteurs de poils, aux hommes violents qui voient en lui un signe de couardise. Cette voix m’apparaît comme l’une des expressions fortes de la féminité couchée dans l’Homme. Une féminité faite pour assurer la vie et non la mort. Une féminité qui me semble recherchée par ceux qui portent en eux, de façon ontologique, la non-violence. Elle témoigne efficacement de son rapport à la quiétude célébrée par les poètes. Poète, Azo l’est dans la vie. Cela fait dire à biens des gens qu’il est constamment dans les nuages, hors du monde. Heureux qui comme lui sait s’offrir l’ambroisie, l’élixir, dans ce monde de violence dans lequel nous vivons! Poète, Azo l’est par son rapport si singulier à la vie. »
Pendant plusieurs années, il a participé, souvent dans un environnement vicié par la politique, au combat épique en faveur du triomphe des lettres et des arts. Son rêve démentiel n’était ni plus ni moins que d’amener le peuple de Côte d’Ivoire vers les choses de l’esprit. Critique littéraire, il a démontré par la rigueur et la profondeur de ses analyses que la lecture critique est un véritable genre littéraire, un discours gorgé de littéralité. A la publication de son poème Zakwato (coédité avec Morsures d’Eburnie de Henri Nkoumo), les hommes de lettres l’accueillent comme un véritable orfèvre. Tous les discours des exégètes sur sa création sont fort laudatifs.
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