Le 28 septembre dernier Irène Vieira, directrice générale du Bureau ivoirien des droits d’auteur (Burida) a dressé son bilan depuis sa prise de fonction en 2011. Selon elle, le Burida a connu une nette augmentation de revenu d’une part. D’autre part, les états financiers montrent que le volume des collectes des redevances a quadruplé et est passé de 600 millions F Cfa en 2011 à deux milliards Cfa en 2017. Aussi les droits repartis aux artistes ont-ils été revus à la hausse. De 75 millions de francs Cfa distribués en 2011, ils sont passés à 950 millions de francs Cfa en 2017. Des chiffres qui font du Burida la 3e société de gestion collective en Afrique après l’Afrique du Sud et l’Algérie.
Toutefois une branche dissidente conteste la gestion du Dg, et demande sa démission. En attendant les conclusions de l’Inspection générale d’Etat qui a commandité un audit, Irène Vieira était Invitée le 13 novembre 2018, à l’émission télévisée hebdomadaire « Le Débat » diffusée sur la chaîne 1 de la télévision ivoirienne. Ce, afin d’éclairer l’opinion publique sur ce qu’il se passe au Burida.
Mme Vieira que répondez-vous à ceux qui soutiennent qu’il y a des irrégularités dans votre nomination ?
Sur le recrutement, je ne suis pas la personne habilitée à expliquer le processus, puisque je ne me suis pas recrutée moi-même. Contrairement a ce que pense ou dit ce collectif qui ne connaît certainement pas les textes du Burida. Ces allégations ne m’étonnent pas de Dan Log qui, depuis 1985, date de son dernier album, n’a plus de répertoire et n’est même pas concernée par les activités du Burida, qu’elle regarde d’ailleurs de loin. Elle ignore sûrement ce que sont devenus ses textes.
Mais comme elle l’a dit, à la fin de la crise sociopolitique qu’a connue la Côte d’Ivoire, le Burida était déficitaire de plus de 700 millions F Cfa. C’est alors que, sur conseil de l’organisation mondiale de la propriété intellectuelle, le ministre de la Culture a mis en place un comité de restructuration dirigé par Léonard Groguhet et moi comme Dg par intérim et confirmée par la suite. Pour palier les insuffisances engendrées par le décret de 2008, donnant attribution au conseil d’administration pour nommer le Dg via un cabinet de recrutement, de nouvelles dispositions ont été prévues dans les textes après le départ de mon prédécesseur. A savoir que le recrutement se ferait selon les modalités arrêtées de concert entre le conseil d’administration et le ministre de tutelle. Les seuls organes compétents pour nommer le Dg et le révoquer de ses fonctions à la commission de faute lourde dûment constatée. C’est ainsi que je suis arrivée le 14 septembre 2011 à ce poste.
Les textes de 1981 consacrants la création du Burida ont été revus avec l’avènement d’un autre texte en 2002 mais qui n’a pas été publié.
Quand le nouveau Conseil d’administration s’est installé le 15 octobre 2015, il s’est réuni pour évaluer les modalités de désignation du Dg. Puisque conformément aux textes, c’est à eux qu’il revient de proposer ces modalités au ministre de la Culture, je n’ai jamais pris part à ses conclaves. Et lorsque les modalités ont été transmises au ministre, un 1er arrêté dans lequel on parlait d’un cabinet de recrutement a été pris. Chose qu’a réfuté le Conseil d’administration qui a formalisé ses modalités par écrit en date du 30 mars. Au vu de ce courrier, le ministre a abrogé le 1er arrêté. Puis il a formalisé les modalités en un arrêté qui est paru ensuite en avril. C’est alors que les conditions de l’appel à candidature ont été publiées dans la presse par le comité technique mis en place par le Conseil d’administration dirigé par le Pca. Mais au moment de la publication, ils ont biffé le paiement de la caution de 200 000 F Cfa. Ce qui a donné lieu à un erratum. Donc, lors du dépôt des candidatures, la caution n’était pas à l’ordre du jour. Et nulle part dans l’arrêté du ministère il était mentionné que je devais démissionner avant la nouvelle nomination. Et je crois qu’il en a toujours été ainsi d’ailleurs, parce que mon prédécesseur ne l’avait pas fait.
Il faut savoir que ce n’est pas dans tous les cas que l’on doit démissionner. Si les textes ne le précisent pas on ne le fait pas.
L’une de ces irrégularités est la signature du Pca qui aurait été comme disent vos détracteurs « falsifiée ou scannée ». Qu’en est-il ?
Je n’en ai aucune idée. Mais je peux dire que lorsque l’avis de recrutement a été affiché dans les locaux du Burida et publié dans les journaux, cela signifie que le conseil a donné des instructions directement au service de communication. Et, en ma qualité de magistrat, je connais les règles de l’administration. Le fait d’effectuer une mission à l’extérieur ne doit pas empêcher le fonctionnement d’une administration. Alors qui nous dit que ce Pca n’avait pas signé cet avis. En outre qu’est ce qui empêchait le président du comité de recrutement de signer en P/O.
Mais le Pca à son retour de voyage, ne l’a pas décriée, si ‘‘irrégularité’’ il y avait. Au contraire, il m’a écrit un mémo pour demander de payer le perdiem du comité de recrutement. Mieux, à la fin du processus de recrutement le Pca a écrit au ministre de la Culture pour lui faire part de la désignation du Dg du Burida le 27 juillet 2016, avec le procès verbal agrafé. Si sa signature a été falsifier ou scanner pourquoi le Pca qui dirige le Conseil d’administration, un organe compétent pour la nomination du Dg, est-il resté muet jusqu’à ce jour? Pourquoi c’est à quelques mois de la fin du mandat du Conseil d’administration, qu’une frange d’artistes ressort cette prétendue irrégularité ?
Vous avez été accusée très clairement d’avoir déclaré une dépense de 150 millions Cfa, qu’en est-il exactement ?
Les missions du Burida sont la perception des droits des artistes pour le répertoire qu’ils nous ont confié et la répartition de ces droits là. Mais nos missions ne se limitent pas à cela puisque nous sommes constamment interpellés sur tous les problèmes sociaux des artistes qui sont énormes. A savoir les cas de maladie et décès. Et tant que ces problèmes n’auront pas de solutions notre environnement ne sera pas apaisé.
Alors ce décaissement qui s’élève plutôt à 120 millions F Cfa est une résolution du comité de restructuration pour recueillir des fonds au profit des artistes. Donc ce n’est pas de mon fait, mais une dépense du Burida. Plus de la moitié de cet argent a été confiée au Cnac afin d’écrire une pièce, la montée, et payer le cachet des 60 artistes qui ont joué. Le reste de la somme a servi à organiser un dîner gala au cours duquel nous avons vendu des œuvres qui nous ont rapporté 35 millions F Cfa.
Certains artistes se plaignent du montant des droits qu’ils perçoivent, quelle est la clé de la répartition des revenus des œuvres exécutées ? Est-il normal qu’un artiste reçoive 850 F Cfa?
Il y a plusieurs types de droit en matière de reproduction d’œuvre. Pour l’auteur d’une œuvre qui est sortie, le producteur ou le distributeur s’il demande la permission à la société de gestion d’en reproduire 1000 et qu’on a fixé le montant à 250 F Cfa, on va multiplier le nombre de reproduction par le prix unitaire pour avoir ce que le Burida va encaisser. Ensuite nous allons soustraire les frais de gestion du Burida qui dans ce cas là, cumulent à 15% du montant obtenu.
Mais s’il s’agit des droits d’exécution publique tels qu’un concert, c’est différent. Quand un artiste en vogue décide de faire un concert, il perçoit le montant du cachet qu’il a négocié. Mais si le même artiste a donné trois concerts et que le Burida a bien négocié, l’organisateur ne paiera pas plus de deux millions pour les droits d’auteur. Or c’est sur cette somme que nous allons prendre nos frais de répartition qui ne seront pas destinés uniquement à l’artiste principal, s’il y a d’autres artistes qui ont presté avec lui. Sans oublier la musique de fond. Si bien qu’au mieux des cas, l’artiste principal peut se retrouver au final avec 300 000 F Cfa comme droit d’auteur.
Cette grande différence est due au fait que le droit d’auteur suit le succès de l’artiste mais il n’est pas le revenu principal d’un artiste. Donc un artiste qui veut avoir des droits d’auteur, doit cumuler les concerts, l’exécution publique et surtout passer dans les organes de radiodiffusion qui sont aujourd’hui les principaux canaux d’exploitation des droits. À part la Rti, les autres radios n’ont aucun contrat hélas ! Alors nous avons négocié et fait une redevance basse pour qu’elles s’inscrivent. Cependant ces radios restent les plus mauvais payeurs des droits d’auteur.
De ce fait, vous verrez sur les listings que certains reçoivent même 7 F Cfa, ou 1371 F Cfa comme Fadal Dey. Ce montant correspond à ce que la société a reçu pour lui aussi bien sur le territoire Français que dans le reste du monde.
Pour ce qui concerne les droits généraux nous n’avons aucun moyen de contrôle dans les pharmacies, les gares ou les maquis. Et jusqu’en 2014 le Burida ne répartissait pas lui-même les droits d’exécution pris dans les maquis. Néanmoins nous avons un système d’information selon lequel nous répartissons les droits.
Est-ce qu’aujourd’hui vous avez recensé de façon nette les endroits où les montants doivent être payés ?
Nous sommes à l’œuvre et je puis dire qu’en plus d’Abidjan et ses banlieues, nous avons ouvert des représentations dans 10 villes de l’intérieur du pays. Aussi avons-nous à maintes reprises, invité les artistes à nous informer à l’avance pour les séances occasionnelles (exécution publique) pour que nous prenions les dispositions nécessaires pour être payés par l’organisateur. Car il est vrai que pour des contraintes financières, nous ne pouvons être représentés dans toutes les villes du pays. Raison pour laquelle nous demandons la coopération des artistes.
Que proposez-vous pour que l’accalmie revienne et que vous puissiez travailler dans la sérénité ?
Face à tant de calomnies, d’incohérences ou de mauvaises analyses, qu’il me soit donnée la force de supporter ce qui ne peut être changé et le courage de changer ce qui peut l’être. En ma qualité de magistrat, je sais que le décret, d’une assemblée ordinaire ne délibère pas sur la révocation du Dg.
Pour ce qui me concerne, nous avons certes organisé une activité qui est sortie déficitaire, mais il n’y a pas eu de fraude quelconque. Et l’audit en cours permettra de faire la lumière sur toute cette histoire afin que l’ordre revienne.
Le Burida contrairement a ce qu’on veut faire croire est aujourd’hui sorti du déficit financier qui engloutissait depuis 20 ans, une part des redevances à redistribuer. Depuis 2017 nous avons non seulement équilibré les comptes mais nous avons dégagé un excédent de 116 millions F Cfa.
Aujourd’hui nous sommes dans la phase de développement et nous avons l’encouragement de tous nos partenaires. Alors il n’est pas bon que pour de fausses accusations ou des textes mal lus, le travail abattu par notre équipe soit démoli. Au risque de détruire le bel outil que leur envie beaucoup d’organisation sur le continent, il serait mieux que les artistes du Burida se (ré ) concentrent sur leur travail parce que nous avons des enjeux. Il s’agit du numérique et des radiodiffuseurs que le Burida doit aborder non dans la pagaille mais dans la sérénité.
Angeline Djérabé