- Vous étiez étudiant en pharmacie. Donc prédestiné à être pharmacien à la fin de vos études. A quel moment l’art de peindre et l’écriture croisent votre chemin ?
Il faut dire que j’écris et je peins depuis toujours. J’ai commencé véritablement à écrire et à peindre quand j’étais au collège. Pendant tout ce cursus, il m’arrivait de faire des tableaux, écrire certaines choses. Et c’est maintenant que je suis en train de professionnaliser tout cela.
- Si je comprends bien, vous n’avez pas fait d’école d’art, c’est seulement une passion ?
C’est ça ! c’est une passion parce que je n’ai pas fait d’école d’art. Je me rappelle quand j’étais étudiant en pharmacie, je me suis inscris à l’INSAAC (Institut national supérieur des arts et de l’action culturelle). Parce que, j’ai vu que dessiner commençait à être dans mon quotidien. J’exposais de temps en temps à la faculté de pharmacie. Je me suis inscris à l’INSAAC, en cours du soir mais j’avoue que je n’ai pas pu faire toute l’année à cause du programme de la faculté. Il nous arrivait de faire des TD (Travaux dirigés) jusqu’à 22 h et on avait cours pratiquement toute la journée. Et moi, mes cours au niveau de l’INSAAC, c’étaient prévus de 19 h à 21 h. Je n’arrivais vraiment pas à toujours suivre donc j’ai arrêté.
- Vous avez fait vos études de pharmacie à Abidjan. C’est autour quelle année ?
J’ai soutenu le 1er février 1999. Disons, j’ai commencé en 1991.
- Vous êtes pharmacien, vous êtes aujourd’hui écrivain en même temps artiste-peintre, comment arrivez-vous à concilier l’exercice de ces trois activités, c’est-à-dire la pharmacie, l’écriture et la peinture ?
L’écriture et la peinture, c’est ma passion comme je le disais tantôt. Mais c’est l’endroit où moi je mets un peu mes frustrations, mes douleurs, mes tristesses, les déboires de la vie que je rencontre. Donc, c’est un peu un médicament pour moi. C’est-à-dire, je travaille en tant que pharmacien. Il y a des difficultés dans ce métier, il y a certaines situations qui ne nous plaisent pas dans ce métier qu’on doit gérer. Et moi au sortie de tout cela, je me trouve fatigué, moralement, physiquement. Et c’est dans l’écriture et la peinture que je vais me reposer. On peut dire en quelque sorte, c’est mon médicament. Ecrire, dessiner, faire des tableaux, c’est mon médicament.
- Vous avez parlé de vos déboires, vos frustrations de la vie, on peut dire que ce sont ces choses qui vous motivent à écrire ou vous vous appuyez sur d’autres sources d’inspirations ?
Oui, oui, c’est la viede façon généralemais il faut dire que ça part toujours de certaines frustrations et de certaines douleurs que j’ai vécues, quand je dois développer. Moi je dis ça toujours, tous les écrivains et artistes ont un peu d’eux dans toutes leurs œuvres. Un artiste chanteur, un écrivain, un artiste peintre, un sculpteur, en tout cas les artistes ont un peu d’eux dans leurs œuvres. Et peut-être, ce que nous faisons aussi, on est un peu à l’écoute de la société. On vit avec des personnes, on voit un peu ce que les gens vivent, on nous raconte des choses et on y ajoute. Quand on prend un livre de Madouba, quelque part, il y a un peu de la vie de Madouba dedans.
- Pour vous, qu’est-ce qu’un texte (livre) ou un tableau réussi ?
Pour un livre, c’est l’histoire qu’on raconte. Parce que moi, je constate de façon générale, ça peut être mon vécu mais il y a beaucoup d’hommes qui ont vécu la même chose que moi. Et quand ils s’y retrouvent, ça fait que l’œuvre a plus de succès. Pour les tableaux, on exprime toujours quelque chose. Moi par exemple, je fais de l’art abstrait. Et l’art abstrait, ce n’est pas quelque chose lorsqu’on aperçoit, on voit tout suite une image. Mais chacun imagine un peu quelque chose dans l’art abstrait. Chacun fait son interprétation dans l’art abstrait, chacun ressent quelque chose face à un tableau fait d’art abstrait.
- Que diriez-vous aux débutants pour rendre leur écriture agréable, accrocheur et leur peinture aussi expressive ?
Pour l’écriture, il faut être vrai dans ses histoires. Pour le moment, je n’ai pasle succès que je souhaite avoir mais je pense que, quand les gens liront mes livres, ils vont se rendre compte de quelque chose de vrai. Parce que ça part de quelque chose de vrai, c’est une histoire vécue. Ce n’est pas que de l’imaginaire. Donc moi, je dirai que dans l’écriture il faut raconter quelque chose de vrai qui touche un peu une personne, la société. Je prends l’exemple de mon recueil de poèmes Lueur dans la pénombre. Quand on prend Lueur dans la pénombre, c’était la première œuvreéditée par notre maison d’édition. Ils ont pris la peine de mettre les dates auxquelles les poèmes ont été écrits. Donc, quand on voit un peu les dates parallèlement aux poèmes, on sent le vécu. Et donc pour un texte réussi, il faut que cela soit sincère, réel. Conter quelque chose qui vient de nous-même ou qui nous a été raconté mais un fait assez réel, même s’il y a de petites parties qu’on va imaginer pour arranger un peu l’œuvre. C’est plus accrocheur parce que c’est mon vécu, çà peut être le vécu de quelqu’un d’autre. Pour les œuvres d’art, à ce niveau, je pense qu’il n’y a pas de critère, chacun exprime ce qu’il ressent ; on ne triche pas. Moi quand je prends mon pinceau et que j’ai une toile devant moi, j’exprime ce qu’il y a en moi et ce qu’il y a en moi, je l’exprime comme je peux. Maintenant, c’est ceux qui vont admirer ce tableau qui lui donnent une plus-value parce que ce sont eux qui expriment, donnent des explications. Il faut être vrai dans ce qu’on fait de façon générale.
- Avez-vous participé à des expositions nationales, internationales ?
Je n’ai pas encore eu cette chance. J’ai déjà moi-même organisé deux éditions d’exposition à Bouaké. J’ai participé à des expositions quand j’étais encore à l’université. J’ai participé à un festival (Festilab) à Odienné avec des tableaux, des livres. Mon souhait est de participer à des expositions à travers le monde.
- Parlez-nous de vos deux expositions organisées à Bouaké
La 1ère édition avait pour thème : « Le réchauffement climatique et ses conséquences ». J’ai exposé 300 tableaux pour exprimer tout cela. On a eu la chance de vendre quelques tableaux. Le parrain de cette 1ère édition était le maire de la ville de Bouaké, monsieur Djibo Nicolas. La 2e édition, le thème, c’était « Immigration clandestine et conséquences ». Nous avons exposé aussi environ 300 tableaux. On a eu aussi la chance de vendre quelques tableaux. Mais à cette édition, il y avait en plus, des objets d’arts faits à base de fer et de bois.
- Où est-ce qu’on peut trouver les œuvres de Madouba ?
Les œuvres d’arts, on peut les trouver facilement au Centre culturel Jacques Aka. Il y a quelqu’un que j’ai responsabilisé à ce niveau. Pour les œuvres littéraires, on les retrouve dans les librairies notamment la librairie Delon, la librairie de France, ici, à Bouaké et à la librairie Carrefour Cocody Saint Jean-Abidjan.
- En termes de retombées financières, qu’est-ce vous pouvez dire concernant ces expositions?
Les retombées ne répondent pas pour le moment à nos attentes. C’est une activité qui se déroule uniquement qu’à Bouaké. C’est maintenant que le public commence à s’approprier, donc les retombées financières ne sont pas encore au rendez-vous. Ce sont des dépenses que nous faisons plus mais ça fait plaisir de voir plus de monde. L’engouement nous rassure parce que cette année, il y a eu plus de visiteurs.
- A travers le thème de cette année, « immigration clandestine », qu’est-ce que vous voulez faire passer comme message ?
Le message essentiel, c’est de dire à la jeunesse de rester. C’est un thème que mon équipe et moi avons choisi qui fait l’actualité ! Voilà que nos frères qui sont en Tunisie sont rapatriés. Le message que je voulais faire passer, c’est qu’on peut rester là. La jeunesse doit rester ici. Et apprendre à être patiente. Le problème majeur au niveau de la jeunesse, on veut tout avoir tout suite. Généralement ceux qui font ce genre de périple, ils dépensent de l’argent ! C’est au moins un million de F CFA ! Ce million peut servir à créer quelque chose. Je dis souvent aux jeunes, quand une ville ne te réussit pas, tu vas dans une autre ville. Tu n’es pas obligé de quitter le pays. Avec le million que tu as, si tu es par exemple un menuisier, tu as tout fait à Bouaké que ça ne va pas, tu peux aller t’installer à Daloa pour recommencer.
- Est-ce que l’artiste Madouba dispose d’un atelier où il peint ses tableaux ?
Non pour le moment mais c’est en projet. Madouba peint partout, à la maison, au salon, à la terrasse, sous les arbres, dans mon officine. Atelier, galerie, tout ça, je souhaite avoir. Je rêve d’avoir un atelier de travail, une galerie, un centre pour former les plus jeunes.
- Est-ce que votre bref passage à l’INSAAC vous a laissé un goût d’inachevé ?
Quelque part un peu oui ! Mais il faut dire que sur le plan artistique, l’inné prime sur la formation. Moi j’écris. Ceux qui corrigent mes livres sont des érudits professeurs de Lettres à l’université. Parmi eux, il y a certains que je côtoie au quotidien. Ils sont impressionnés du fait que moi, j’arrive à écrire. L’un m’a dit un jour, qu’il est incapable de faire deux pages, trois pages. Quand il dit, je vais raconter telle histoire, à peine il commence, il a fini, il n’a plus rien à dire. Il se demande comment j’arrive à écrire. Je suis maintenant à ma 5e œuvre. J’ai dix autres œuvres qui sont en boîte, chaque fois j’écris quelques pages. J’ai une pièce de théâtre à l’édition. Il faut dire que l’art, tout ce qui est artistique, l’inné prime sur la formation. La formation, on le fait parce qu’il faut mettre un peu d’ordre. Je peins mais je ne connais pas le mélange des couleurs, il fallait aller apprendre. C’est vrai que j’ai fait de l’art plastique au collège, au Lycée mais l’objectif, c’est vraiment de me perfectionner. Je n’ai pas eu la chance de le faire, donc je fais avec ce que Dieu me permet de faire.
- Citez-nous quelques titres de vos livres.
Le sang ne se perd jamais (roman, 2020) ; Lueur dans la pénombre (recueil de poème, 2021) ; Morobayassa (recueil de poème, 2022), Garçon Djandjou (roman, 2022) et Zagribata (recueil de poème, 2023).
Entretien réalisé par Eugène Kouadio